lundi 31 octobre 2016

Un expert en armement affirme que l’État islamique reçoit des armes en provenance d’Europe de l’Est via une nouvelle filière d’approvisionnement “rapide”, par Louise Ridley

Un expert en armement affirme que l'État islamique reçoit des armes en provenance d'Europe de l'Est via une nouvelle filière d'approvisionnement "rapide", par Louise Ridley

Source : The Huffington Post, le 11/09/2016

Nous avons une filière d’approvisionnement qui part d’une usine d’Europe de l’Est et arrive à l’État islamique en Irak en moins de deux mois.”

Louise Ridley

Un expert en armement affirme que les combattants de l’État islamique utilisent illégalement des armes, légères ou non, fabriquées dans des usines d’Europe de l’Est et qui transitent par une filière d’approvisionnement “presque directe”, récemment découverte.

James Bevan, directeur du Conflict Armament Research (CAR) (Recherche sur les Conflits et les Armements), a déclaré au Huffington Post britannique que, cet été, des enquêtes ont repéré des évolutions rapides et inquiétantes sur la source de l’armement qui permet au prétendu État islamique de combattre d’autres groupes et de perpétrer des massacres.

Armes découvertes dans un camion de l'État islamique

Armes découvertes dans un camion de l’État islamique

Selon Bevan, dont la société piste les transferts d’armes illégaux, ces armes sont transportées en quelques semaines depuis l’Europe de l’Est vers l’État islamique en Irak et en Syrie via une filière “très rapide” traversant plusieurs pays.

Dans une interview donnée au Huffington Post britannique, Bevan a affirmé que, jusqu’ici, les armes de l’EI étaient essentiellement des armes légères de l’armée irakienne, y compris des armes transférées par l’armée américaine lors de son repli d’Irak entre 2007 et 2011.

“A ce moment-là, l’État islamique s’est emparé de positions de l’armée irakienne, a capturé ces armes et les a transférées vers la Syrie.” Il ajoute qu’une partie des armes de l’État islamique pourrait provenir d’unités de l’armée syrienne vaincues au combat. "This is normal with any kind of rebellion or insurgency, they first use the weapons and ammunition of their adversaries."

Mais l’arsenal de l’État islamique comprend désormais des matériels bien plus récents portant, dit Bevan, des “dates de fabrication de 2013, 2014 et même 2015.” Il a remonté la piste de ces armes neuves jusqu’en Europe de l’Est. Elles comprennent des AK-47, des mitrailleuses et des explosifs.

Une arme légère de l'État islamique découverte en Syrie.

Une arme légère de l’État islamique découverte en Syrie.

Dans une interview donnée au Huffington Post britannique, Bevan a déclaré qu’actuellement le CAR interpelle entre autres les gouvernements bulgare et serbe au sujet de ventes d’armes à l’Arabie saoudite.

Bevan estime qu’en dépit de l’existence d’un accord par lequel l’Arabie saoudite s’engage à être l’unique utilisateur final de ces armes, à l’exclusion de quelque autre pays que ce soit, il semble bien que le royaume ait purement et simplement envoyé ces dernières en Turquie, d’où elles parviennent “très, très rapidement” aux mains de l’État islamique à travers des filières illégales.

“Nous avons affaire à une filière d’approvisionnement qui part d’un fabricant d’Europe de l’Est, transite via un second pays d’Europe de l’Est en direction de l’Arabie saoudite puis de la Turquie, puis à des groupes d’opposants syriens et enfin à l’État islamique à Falloujah, en Irak, et ce en moins de deux mois,” explique-t-il. “C’est presque direct. Par voie maritime, cela prendrait un mois.”

Bevan affirme que ses preuves, tirées de l’analyse des armes après le siège de Fallujah achevé en mai, démontrent que tout fournisseur d’armes à l’un des nombreux groupes d’opposition syriens n’a “absolument aucun contrôle” sur leur destination finale. Des factions syriennes qui à première vue s’opposent à l’État islamique se fondent dans ce dernier ou coopèrent avec ce dernier, faisant que les armes se retrouvent rapidement aux mains de l’État islamique, dit-il.

Des puissances étrangères essayant d’aider des groupes combattant l’État islamique apportent en fait leur soutien aux forces islamistes, dit-il, ajoutant que “il est très difficile de les distinguer par rapport aux forces de l’État islamique. Ils sont imbriqués dans l’État islamique, ou ont un accord avec lui, ou un groupe va faire sécession et ses combattants vont rejoindre l’État islamique avec leurs armes.

“Cela prouve que tout fournisseur des groupes d’opposition syriens n’a absolument aucun contrôle sur la destination finale de ces armes. C’est quasiment l’exacte situation survenant dans les années 1980 en Afghanistan, au sens où les USA, l’Arabie saoudite et les autres alliés fournissaient des armes à l’ISI, les services secrets pakistanais.

Ils avaient ensuite le choix de les distribuer. Ils ont choisi les vainqueurs, qui représentaient la ligne dure des forces islamistes, à l’origine d’al-Qaïda et des Taliban.”

Il est possible que des gouvernements de l’Europe de l’Est sachent que les armes vendues ne font que transiter par l’Arabie saoudite, affirme Bevan, car les armes de “gros calibre soviétiques” qu’ils vendent ne seraient jamais utilisées par l’armée de l’Arabie saoudite, qui préfère des armes légères, plus chères, d’origine américaine.

“Ce que nous allons faire est de retourner voir ces gouvernements (d’Europe de l’Est), et leur dire : vous avez un sérieux problème, car vous avez exporté 7000 roquettes en Arabie saoudite qui ont un calibre russe, et vous savez pertinemment que l’Arabie saoudite n’utilise pas ce type d’armement. Alors pourquoi les exportez-vous en sachant que, de toute évidence, ils les donneront à quelqu’un d’autre ?

“Ils le savent depuis longtemps et ils s’en moquent,” a-t-il admis, mais il pense que confronter des pays à de telles évidences finira bien par entraîner des résultats.

Les équipes du CAR ont retrouvé la trace de près d’un demi-million d’armes ou munitions en deux ans, en utilisant les numéros de série qui relient chaque arme à une usine précise.

Il a envoyé une enquête de traçabilité à un gouvernement lui demandant à quel pays il avait vendu des armes, et remonté la filière de transfert à partir de là.

C’est le CAR qui a révélé en février que la Turquie était une plaque tournante de composants comme les cordons de détonation et les fertilisants agricoles qui sont utilisés par l’EI pour réaliser des bombes utilisées dans les attaques suicide. La chaîne d’approvisionnement comprenait 51 sociétés réparties dans le monde, dont Nokia et des marques européennes et américaines.

“Un certain nombre de ces équipements étaient produits en Europe et arrivaient sur le marché domestique turque, totalement non régulé, et ensuite l’État islamique utilisait littéralement la Turquie comme un entrepôt,” a précisé Bevan au HuffPost britannique. Avec comme résultat, l’interdiction par la Turquie de vendre plusieurs fertilisants chimiques, qui avaient sans doute été utilisés par des militants kurdes pour tuer des dizaines de personnes sur son propre sol.

Ce mois-ci, il est apparu que la chaîne d’approvisionnement de l’État islamique via la Turquie pourrait être brisée après qu’un groupe militant ait été refoulé du dernier territoire qu’il contrôlait près de la frontière syrano-turque.

Le mois dernier, le CAR a également prouvé que les armes vendues par la Chine à son allié le Soudan ont été acheminées jusqu’aux rebelles de l’opposition dans le Soudan du Sud, où deux casques bleus chinois ont été récemment tués.

Source: The Huffington Post, le 11/09/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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