mardi 19 juillet 2016

Uber, ou l’économie asservissante

Uber, ou l'économie asservissante




Des modèles d'affaire basés sur une rente brutale

Les chiffres disponibles font tourner la tête : Uber a fait à peine 663 millions de chiffre d'affaires au premier semestre 2015 pour près d'un milliard de pertes ! Pourtant, l'entreprise vaudrait 60 milliards et elle obtient des sommes phénoménales pour financer sa forte croissance : 3,5 milliards de dollars du fond souverain d'Arabie Saoudite, et un prêt de 1,15 milliard ce mois-ci. Tout ceci paraît totalement ubuesque : pourquoi les marchés financent-ils aussi généreusement une entreprise qui génèrent des pertes abyssales et qui n'a pas démontré de capacité à générer des profits ? Un site évoque des prévisions faramineuses pour 2019 : Uber devrait réaliser la bagatelle de 22 milliards de dollars de chiffre d'affaires et pas moins de 8 milliards dollars de profits. C'est ce qui explique les levées de fond actuelles.

Comme d'autres entreprises issues de la nouvelle économie, des années, voir des décennies auparavant, Uber suit un modèle d'affaire très simple. Plusieurs principes de base : identifier un marché existant, ou en devenir, où l'entreprise pourrait acquérir une position tellement dominante qu'elle pourra imposer ses prix et ainsi générer des profits considérables, une rente de situation. Idéalement, c'est un modèle aux actifs les plus légers possibles, qui peut exploiter les actifs des autres, pour consacrer ses moyens à une conquête agressive de parts de marchés. Enfin, il vaut mieux s'établir sur un marché fragmenté d'un point de vue de l'offre et de la demande, pour devenir l'acteur dominant. Ainsi, on peut imposer ses prix, aux fournisseurs comme aux clients à terme, après avoir été agressif au début.

C'est aussi la logique des sites de réservation en ligne d'hôtel, ou de livraisons de plats à domicile. Le client y gagne dans un premier temps du choix, ou même des prix et du service (dans le cas d'Uber). Le site peut assez rapidement imposer ses conditions à ses fournisseurs car ces derniers ne peuvent plus se passer du volume d'affaires apporté par le site. Ainsi, Uber peut baisser autoritairement de 20% la rémunération de ses chauffeurs en France. Une fois la position monopolistique établie, le site pourra alors augmenter les prix à sa guise, comme il le teste déjà sur les créneaux les plus demandés. Et malheureusement, cela est intrinsèque à cette économie car les clients ne peuvent pas toujours garder plusieurs fournisseurs et les marchés sont là pour financer le plus fort, dans une quête auto-réalisatrice.

En un sens, cette nouvelle économie, dans le cas de Uber, c'est au final un dispositif assez sophistiqué qui permet d'asservir tous les chauffeurs de l'entreprise, qui doivent acheter eux-même ce dont ils ont besoin pour travailler, le tout pour une rémunération qui peut être abaissé de 20% du jour au lendemain, mais aussi un asservissement des clients, à partir du moment où ils ne passent plus que par Uber. L'objectif est simple : faire en sorte de dominer le marché pour asservir complètement clients et chauffeurs. Et ce n'est pas tout : les taxis sont les victimes collatérales de l'ascension subventionnée par les marchés de Uber, qui opère à grandes pertes pour éliminer toute concurrence. Et pour couronner le tout, ces entreprises savent faire ce qu'il faut pour frauder légalement le fisc des Etats où elles opèrent.  


Malheureusement, parce que nous croyons aux contes de fée communiqués par ceux qui profitent de ces modèles d'affaires, nous laissons faire ces mercenaires financés par des marchés voraces qui ont compris la logique asservissement de cette nouvelle économie. Merci à la Hongrie de se distinguer en mettant en place une législation si contraignante qu'Uber vient d'annoncer son départ du pays.

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