dimanche 3 juillet 2016

[Question] Débat juridique autour du Brexit & Stratégies

[Question] Débat juridique autour du Brexit & Stratégies

Comme il y a des juristes parmi vous, et que je me pose quelques questions sur la situation stratégique actuelle, j’aimerais avoir votre avis (laissez le dans les commentaires).

J’ai en effet été interpellé par la discours de Juncker :

(À 5’45 🙂 “Je voudrais que le Royaume-Uni clarifie sa position. Et je ne voudrais pas que s’installe l’idée qu’il pourrait y avoir des négociations secrètes, en chambres assombries, à rideaux tirés, entre des représentants du Royaume-Uni, des gouvernements nationaux, des commissaires et des directeurs généraux.

J’ai INTERDIT – ordre présidentiel, ce qui n’est pas mon genre – aux commissaires de discuter avec des représentants du gouvernement britannique, “in or out”, “leave or remain”, j’ai dit à tous les directeurs généraux qu’il ne saurait y avoir de discussions préalables avec des représentants britanniques : ‘No notification, no négociation !‘”

Si je comprends bien, nous sommes dans la situation actuelle :

1/ le peuple britannique a voté le Brexit

2/ il existe un article du traité UE, créé par le traité de Lisbonne, qui organise une sortie de l’Union. C’est le fameux article 50, qui prévoit :

  1. Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union.
  2. L'État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l'Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union. Cet accord est négocié conformément à l'article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il est conclu au nom de l'Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen.
  3. Les traités cessent d'être applicables à l'État concerné à partir de la date d'entrée en vigueur de l'accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l'État membre concerné, décide à l'unanimité de proroger ce délai.
  4. Aux fins des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l'État membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui le concernent. La majorité qualifiée se définit conformément à l'article 238, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. […]

Ainsi :

  • seul le Royaume-Uni peut demander le lancement de la procédure de l’article 50
  • mais se déclenche alors un compte-à-rebours qui fait que le pays sera jeté dehors deux ans après s’il n’y a pas d’accord, sauf décision unanime des 27

3/ on a vu des déclarations enflammées d’européistes intégristes expliquer à quel point il fallait faire souffrir le Royaume-Uni pour son choix, et, qu’à tout le moins, on fasse un exemple pour montrer qu’il ne fait pas bon quitter l’empire

4/ ont été nommés par le Parlement comme on l’a vu 3 négociateurs pour l’UE, qui sont des fédéralistes forcenés, qui auront donc pour but d’éviter toute souplesse pour empêcher d’autres pays de fuir….

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Notez aussi que c’est très intéressant, sachant que le Royaume-Uni n’a encore rien notifié – de même que la volonté du Parlement de “modifier son organisation interne de manière à refléter la volonté de la majorité des citoyens du Royaume-Uni de se retirer de l'Union européenne”. Belle illustration des tares d’un parlementarisme débridé.

5/ dans ce contexte, je trouve étonnant qu’on s’étonne que le Royaume-Uni ne se mette pas en position de faiblesse extrême en demandant l’activation de l’article 50 !! Ce n’est clairement pas son intérêt, car plus le temps passera, plus il risquera de tout perdre, et devra donc accepter tous les diktats européens.

6/ au vu de ceci, si on voulait conclure un bon accord, favorable aux deux parties, il faudrait clairement négocier avant la notification, cela tombe sous le sens. Mais c’est refusé par les technocrates de Bruxelles.

7/ la situation pourrait rester bloquées comme ceci longtemps, sauf que…

8/ rien n’est prévu dans les traités pour exclure un État de l’Union

9/ il n’existe qu’une procédure assez dure mais pour les États ne respectant plus les Droits de l’Homme (article 7 TUE, allant jusqu’à une suspension des Droits de l’État) ou alors des sanctions possibles de la Cour de Justice de l’Union en cas de non-respect de la législation européenne (procédure d’infraction, articles 258 à 260  TFUE).

La question que je souhaite discuter avec les juristes lecteurs est donc la suivante : que peut faire en théorie le Royaume-Uni s’il décide de ne plus respecter certains aspects des traités (genre dénoncer certains articles du traité, ne plus reconnaitre la Cour de Justice, dénoncer la loi anglaise European Communities Act de 1972), et que peut faire le Conseil en retour ? Comment peut-on sortir d’un traité en général (il n’y avait pas d’article 50 avant Lisbonne, mais un État aurait bien entendu quand même pu sortir…), le Royaume-Uni pourrait-il dénoncer partiellement le Traité de Lisbonne ?

Alors du coup, nos médias ont assez bien traduit la stratégie des technocrates de l’UE (je précise, car à 27 pays, les choses vont vite se compliquer, genre l’Irlande n’aura pas envie de punir son partenaire frontalier, de même que les forces économiques) :

  1. faire activer au plus vite l’article 50 par le R-U
  2. envoyer les talibans européistes négocier avec le R-U
  3. à peu près tout refuser au R-U
  4. lâcher un petit truc au bout de 23 mois pour que l’accord soit préférable au non-accord, mais qu’ils soit bien peu satisfaisant, et décourage les autres.

Mais du coup, quelle stratégie préconiseriez-vous pour le Royaume-Uni – chose qui ne semble guère intéresser nos médias bisounours (eh oui les loulous, il y a des stratégies souvent…) – s’étonnant et se moquant des Anglais qui ne notifient par encore leur retrait… ?

Bien entendu, la première étape peut simplement être une politique de la “chaise vide” (ou plutôt d’un vote négatif systématique) du Royaume-Uni, qui ne va pas invoquer l’article 50 mais empêchera toute décision à l’unanimité…

À vous de jouer !

P.S. pour la beauté l’exercice, actons que le R-U veut bien sortir, et qu’il n’y aura pas de stratégie dilatoire genre second referendum.

EDIT : une intéressante analyse en anglais…

juriste

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