mercredi 6 juillet 2016

Le registre public des trusts lancé par la France contesté devant le Conseil d’Etat...

Le registre public des trusts lancé par la France contesté devant le Conseil d'Etat...

Tiens par une Américaine.... étonnant non ? ; ))))

Conseil d'État

A peine créé, le registre public des trusts lancé par la France – opérationnel depuis lundi 4 juillet – se voit déjà attaqué en justice. Selon nos informations, une requête a été introduite le 23 juin devant le Conseil d’Etat afin d’obtenir la suspension en urgence, puis l’annulation, du décret du 10 mai 2016 créant ce registre de 16.000 trusts possédant un lien avec le territoire français (un constituant, un bénéficiaire, des avoirs financiers ou un bien immobilier, etc.) et déclarés auprès de l’administration fiscale. Est-ce la fin de la grande opération de transparence engagée par le gouvernement français ?

Ce recours devant le Conseil d’Etat est intenté par une Américaine résidant en France et bénéficiaire de trusts. Il s’accompagne d’une deuxième procédure : une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), également soulevée par cette bénéficiaire de trusts, et dont elle saisit aussi le juge administratif, estimant que ce registre public porte atteinte au respect de la vie privée.

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Un registre salué par les ONG anticorruption

Décidée dès 2013 dans le cadre de la loi du 6 décembre contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière mais enlisée depuis, la création d’un tel registre a été relancée par les « Panama Papers ». Elle vise à faire la lumière sur ces entités de droit anglo-saxon, conçues pour gérer des successions et organiser des testaments, mais servant parfois à dissimuler des avoirs à des fins de fraude fiscale. La décision de la France d’en ouvrir la consultation au public constitue une première en termes de transparence. Cela avait été notamment salué, fait rare, par les ONG anticorruption.

La requête enregistrée par le Conseil d’Etat fait l’objet d’une procédure d’urgence : un référé-suspension, qui vise la suspension immédiate du registre public des trusts dans l’attente du jugement au fond. Ce référé-suspension sera examiné dès le 19 juillet par le juge des référés du Conseil d’Etat, lors d’une audience publique.

Le juge des référés peut demander la suspension temporaire d’une décision administrative lorsqu’il existe « un doute sérieux », dit la loi, quant à la légalité de cette décision et dans l’attente du jugement au fond. Il reviendra ensuite au Conseil d’Etat d’annuler ou non le décret relatif au registre public des trusts, qui en fixe les modalités de constitution et de consultation.

Quant à la deuxième procédure engagée en marge de cette requête – la QPC soulevée par la requérante –, le juge administratif aura trois mois pour décider de transmettre le dossier au Conseil constitutionnel. Cette procédure n’est, pour sa part, pas suspensive.

Un objet inédit du point de vue du droit

Contactée, l’avocate de l’Américaine à l’origine du recours, Stéphanie Auféril, associée fondatrice du cabinet Arkwood, explique qu’il ne s’agit pas, pour sa cliente, de contester la création du registre, mais son caractère public.

« L’objectif de lutte contre la fraude fiscale est parfaitement louable en soi, souligne l’avocate fiscaliste. Mais ce registre porte sur des trusts déclarés et on va donc jeter en pâture les noms de personnes en règle avec le fisc. Il s’agit d’une atteinte à la vie privée, un peu comme si on décidait de rendre tous les testaments publics, sans le consentement de leurs auteurs. » « Que dire des non-résidents français, sans aucun lien avec la France, dont les noms seront dévoilés au seul motif qu’ils se trouvent liés, dans un trust, à un résident français ? » fait-elle valoir. « Ce registre pose d’importantes questions de droit. »

En dépit des précautions prises par Bercy pour encadrer les consultations de ce nouveau registre et prévenir tout acte éventuel de piratage – la nécessité d’être muni d’un identifiant fiscal, la conservation un an durant des données informatiques des contribuables s’y connectant… –, le caractère public de ce registre semble en faire, de fait, un objet inédit du point de vue du droit.

A titre de comparaison, le fichier centralisé des contrats d’assurances-vie (Ficovie), également créé à des fins de lutte contre la fraude fiscale et opérationnel depuis avril 2016, a lui aussi fait l’objet d’une QPC. Il a été déclaré constitutionnel par une décision du 29 décembre 2013, notamment fondée sur son accès restreint, limitée à une administration fiscale « tenue à l’obligation de secret ».

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Autre fichier comparable, le registre national des fiducies (l’équivalent en droit français des trusts), créé en 2010 afin de lutter contre le blanchiment d’argent, n’est, de la même façon, accessible qu’aux autorités judiciaires ou antiblanchiment (juges, agents des douanes, Tracfin, officiers de police judiciaire…)

 

Anne Michel

Journaliste au Monde

 

Source : Le Monde.fr

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