mardi 5 avril 2016

Le nuage de fumée du gouvernement sur la loi travail

Le nuage de fumée du gouvernement sur la loi travail

Malgré une déferlante médiatique de défense du projet de loi gouvernemental de démantèlement du droit du travail, 71% des Français disent s'y opposer dans un sondage, nouvel épisode de la déconnexion des élites d'avec la majorité du peuple. Face aux premières manifestations, le gouvernement a annoncé de nombreux ajustements. Vrai changement ou pas ? Et quelle issue attendre ?



Poker-menteur pour un mauvais projet

Avec sept Français sur dix opposés au projet, il était logique que François Hollande amende ce projet très contesté. Mais les choses sont complexes. Le président et sa majorité ont engagé leur crédibilité avec un tel texte et trop reculer maintenant pourrait autant faire perdre les opposants qui pourraient y voir, de toutes les façons, la goutte qui a fait déborder le vase, que ses partisans, qui y verraient un gros manque de courage. L'équation délicate qu'engage l'Elysée consiste à ne pas perdre la face, tout en donnant suffisamment pour démontrer sa volonté d'un véritable compromis. Quand on voit que la CFDT soutient déjà le nouveau texte, cela montre que cela est possible. Même si tout cela peut encore se terminer en fiasco, le vote de cette loi pas tellement modifiée reste malheureusement possible.

En effet, avec des média toujours prompts à véhiculer les arguments des partisans de la loi, ou à démonter ceux des opposants, ne peut-on pas craindre le passage d'un texte présenté comme une amélioration alors que le fond reste aussi nuisible ? Car les arguments des partisans du projet sont un peu courts et reposent plus sur les croyances ultralibérales. Dans la Tribune, Romaric Godin a bien démonté le mythe des résultats de la loi Renzi, d'autant plus limités que la démographie du pays limite les entrées sur le marché du travail par rapport aux sorties, et que malgré tout, le taux de chômage des jeunes actifs se maintient à 40% ! Et les chiffres de l'Espagne sont absolument dérisoires après une telle envolée du niveau de chômage (qui touche un quart de la population), après une baisse du salaire minimum.

Alors qu'historiquement, les profits des entreprises sont au plus hauts par rapport au PIB, ce qui signifie bien que le rapport de force sur le marché du travail leur est extrêmement favorable, surtout avec un chômage si élevé, les arguments ultralibéraux sont tout de suite relativisés. Un tel projet ne provoquerait qu'un nouveau renforcement du rapport de force en faveur des entreprises par rapport aux salariés, ce qui est injustifiable quand il faudrait plutôt aller dans l'autre sens. Mais ce projet comporte également d'autres points révoltants, comme l'a souligné Malika Sorel dans Le Figaro, le texte affirmant « la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses », porte ouverte à tous les communautarismes, sans que l'on puisse en comprendre le besoin actuel, surtout dans le pays de la loi de 1905.


Inefficace pour réduire le chômage, contributeur injustifiable au renforcement du rapport de force en faveur des entreprises par rapport aux salariés, communautariste, la loi travail est un projet auquel il faut à tout prix s'opposer. Malheureusement, la mobilisation citoyenne sera-t-elle suffisante, après les annonces dérisoires du gouvernement hier ?

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