mardi 23 février 2016

Un Maïdan à Varsovie ? Par Konrad Stachnio

Un Maïdan à Varsovie ? Par Konrad Stachnio

Source : New Eastern Outlook, le 26/01/2016

Migrants wait to cross the Macedonian-Greek border near the town of Gevgelija on August 21, 2015. At least five migrants were slightly hurt August 21 when Macedonian police threw noise grenades to drive back refugees from the country's border with Greece, an AFP photographer at the scene said. More than 3,000 mostly Syrian refugees are stuck in no-man's land near the Greek village of Eidomeni after Macedonia August 20 declared a state of emergency and sent troops to help stem the flow of migrants attempting to cross the Balkan country to reach northern Europe. AFP PHOTO / ROBERT ATANASOVSKI

AFP PHOTO / ROBERT ATANASOVSKI

N’importe quel observateur des événements se déroulant actuellement en Pologne pourrait avoir l’impression que nous avons affaire à une violation sans précédent des droits de l’homme et à l’instauration d’un régime totalitaire par le gouvernement récemment désigné et mené par le parti Loi et Justice (PiS) ; celui-ci a décidé, malgré un populisme de résistance, d’instaurer quelque chose de l’ordre des politiques de Victor Orbán. L’idée que la Pologne s’enfonce dans le totalitarisme peut être vue dans la propagande distillée au public par les chaînes de télévision telles que CNN. Parallèlement à cela, une partie de la prétendue opposition, chassée du pouvoir lors de récentes élections démocratiques, appelle au lancement de protestations dans le style de Maïdan à Varsovie et essaie de contester le gouvernement élu démocratiquement. Il va sans dire que tout cela pourrait prêter à sourire ironiquement – à première vue, on dirait bien que les membres de l’establishment, évincés de la politique, des affaires et des médias, sortent de leurs voitures de luxe et descendent dans la rue pour appeler à un remake de Maïdan. Agir ainsi, bien évidemment sous la bannière de “la restauration de la démocratie”, peut être interprété comme une tentative de reprise de pouvoir de leur part. Ces appels à la création d’un Maïdan en Pologne et à l’intervention de l’Union européenne afin de “restaurer la démocratie” sont diffusés sur des ondes très porteuses en ce qui concerne l’Union européenne et l’Allemagne. Pour nous faire une meilleure idée de tous les sujets qui précèdent, je me suis entretenu avec Witold Gadowski, journaliste d’investigation primé et ancien directeur de TVP. [TVP Info est une chaîne de télévision d’information en continu polonaise, NdT]

Dans un de vos textes vous écrivez que ce gouvernement devrait se terminer en mai, qu’ils recherchaient le clone de Donald Tusk et avaient trouvé Ryszard Petru du parti Nowoczesna (Moderne) – un produit soigneusement sélectionné par quelques hommes de l’ombre. Que voulez-vous dire exactement ?

Si quelques mois avant les élections parlementaires, une force, ayant accès à des sommes énormes d’argent et à un énorme soutien médiatique, apparaît, alors deux explications s’offrent à nous : ou nous avons affaire à une sorte de génie qui aurait trouvé un moyen de générer instantanément une carrière politique en Pologne ou bien il y a soutien de la part de personnes en coulisses. Aujourd’hui en Pologne, nous devons faire face à une alliance entre les services spéciaux et les oligarques qui disposent de grandes ressources monétaires. Nous voyons l’arrivée soudaine d’un leader qui n’émerge pas de la communauté bancaire par pur hasard. Si nous acceptons les systèmes introduits lors des discussions historiques de la Table ronde, PiS est bien la force anti-système qui veut défendre les décisions prises autour de cette table ronde. Et maintenant, voilà une nouvelle force qui gagne en dynamisme, voilà un nouveau personnage qui jusque-là n’était pas impliqué au premier plan des batailles politiques. C’est pourquoi ce M. Ryszard du parti Moderne est, me semble-t-il, un personnage soigneusement sélectionné.

Néanmoins, ce prétendu mouvement pour la “protection de la démocratie” a d’une certaine façon unifié une partie du public. Comment cela peut-il arriver ?

Quand on analyse ce genre de phénomènes, il est important de se demander qui est le groupe qui impulse ces évènements. Par ailleurs, le nombre de personnes frustrées est toujours élevé, et elles sont prêtes à descendre dans la rue et disposées à défiler sous n’importe quelle bannière. Ces gens sont simplement mécontents. Une telle rébellion peut toutefois partir dans la bonne direction si le groupe capable d’insuffler l’élan nécessaire à cette dynamique est trouvé. La question ne dépend pas de tel ou tel leader mais d’un groupe qui devienne le dépositaire d’une influence de cette nature pour les 25 années à venir. Cet élément moteur opère sous grand stress, il suffirait d’effectuer des vérifications de ce qui est advenu ces huit dernières années et on mettrait en lumière de nombreuses pathologies et ces pathologies correspondent à de vraies personnes. Des gens qui ont beaucoup à craindre, d’où leur volonté à dépenser plein d’argent pour organiser des manifestations qui essaient de renverser le nouveau gouvernement. Aujourd’hui, on peut voir que ces tentatives pour changer l’humeur publique et faire descendre les gens dans la rue sont allées jusqu’à essayer de fomenter une espèce de chantage international contre les autorités polonaises. Ceci est exécuté, sans honte aucune, par les mêmes qui ont récemment perdu le pouvoir. Tout tourne autour du conflit entre les bénéficiaires du système actuel et ceux qui étaient déjà des citoyens de deuxième zone car sans connexions politiques importantes.

Ces gens-là ont une compréhension de la démocratie caricaturale – d’après eux, la démocratie c’est quand ils gouvernent et s’ils perdent des élections démocratiques, ils appellent l’aide étrangère pour qu’on vienne sauver leur carrière. Contre qui veulent-ils prendre des mesures ? Les Polonais qui ont choisi un gouvernement différent ? Dans ce cas, qui sont ces gens ? Si le gouvernement actuel a des ennemis parmi des gens tels que George Soros, je préfère être du côté de ceux qui se font attaquer. Ce gouvernement n’a été au pouvoir que pendant trente jours et n’a pas pu faire grand-chose. Il n’y a donc aucune raison d’élever une telle clameur en Europe et dans le monde. Ceux qui aujourd’hui s’écrient “démocratie sous menace” de quoi donc ont-ils vraiment peur ? Ils ont peur des conséquences des changements apportés par ce nouveau gouvernement.

Le gouvernement polonais a commencé à être dénigré dans les médias de façon dont seules, jusqu’à maintenant, la Russie et la Hongrie l’avaient été. L’ancien Premier ministre et chef des libéraux au Parlement européen, Guy Maurice Marie Louise Verhofstad, a dit que le gouvernement PiS est constitué de “nazis” et que Jaroslaw Kaczynski, au même titre que Poutine et Orbán, est en train de “détruire l’unité européenne et l’État de droit”. Il a aussi déclaré que “vu la détermination de Vladimir Poutine dans ses efforts à détruire l’unité européenne et l’État de droit, l’actuel gouvernement de Pologne fait le boulot à sa place”. George Soros, quant à lui, croit que le danger en Europe de l’Est prend la forme d’une vague de xénophobie. Dans un entretien avec le journal WirtschaftsWoche, il a mentionné que Jaroslaw Kaczynski, dont le parti a récemment gagné les élections en Pologne, avait qualifié les réfugiés de “mal incarné”. Est-ce que ces pressions internes et externes peuvent mener à une répétition de Maïdan et mener à un scénario de Kiev à Varsovie ?

Il est pénible d’écouter les leçons venant d’un représentant d’un pays qui a légalisé l’euthanasie pour les enfants, le représentant d’un pays incapable de se sortir seul des antagonismes qui vont grandissant entre Flamands et Wallons. Bizarrement, personne n’appelle à une intervention en Belgique où le Front flamand fait entendre plus fort que jamais des déclarations quasi fascistes. Je ne serais pas étonné non plus que Marc Dutroux nous donne bientôt des leçons sur la qualité de la démocratie en Pologne. Permettez-moi de vous rappeler que Marc Dutroux est la figure centrale d’un des plus grands scandales pédophiles au monde qui s’étend encore aujourd’hui à la classe politique belge dans son ensemble. Comme nous l’avons vu dans le cas du Maïdan ukrainien, l’implication de gros capitaux a sa part dans le déclenchement de certaines crises sociales. Si des montants énormes d’argent commencent à affluer de l’étranger sur la Pologne, cela peut effectivement conduire à des troubles sociaux.
C’est une question de maturité et de responsabilité de sa part si la société polonaise le permet ou pas.

A l’échelle européenne nous sommes un grand pays et nous pouvons utiliser les attributs que cette échelle nous confère dans nos façons de fonctionner. Nous devons toutefois le faire habilement. En premier lieu, nous ne pouvons entrer en conflit direct avec l’Union européenne parce que nous sommes encore trop faibles pour trouver une alternative à la façon de construire notre politique. Cependant il y a suffisamment de laisser-aller au sein de l’Union européenne pour régler quelques histoires. Tout d’abord, le gouvernement polonais devrait héberger des réfugiés pour la simple et bonne raison qu’on ne peut pas servir de bouc émissaire à l’Union européenne tout entière. Néanmoins cette proposition devrait être suivie de demandes spécifiques : les autorités polonaises décideraient de qui est accepté et qui ne l’est pas et la solution évidente est de ne prendre que des chrétiens. Nous acceptons des gens proches de nous de par la culture afin de ne pas créer de problèmes sociaux pouvant survenir de l’adoption d’un large groupe de réfugiés musulmans. Nous accepterons des réfugiés, mais selon nos conditions. Nous sommes chrétiens dans un pays catholique et nous entendons aider notre prochain parce ce que c’est ce qui nous est demandé, mais nous entendons venir en aide à ceux qui ne nous amènent pas de problèmes, et cela inclut ceux qui refusent de s’assimiler à notre société.

Je pense que ceux qui veulent voir des manifestations dans le style de Maïdan en Pologne sont confrontés au même dilemme que ceux ailleurs dans le monde qui passèrent d’une existence sous des régimes totalitaires à des conditions de vie démocratiques. Par exemple, en Espagne, les gens du général Franco ont dû apprendre à vivre dans un pays démocratique et, d’une façon ou d’une autre, ces processus d’adaptation s’y sont déroulés sans aucune violence. Puisse la métamorphose de l’Espagne être un exemple pour nous. Ces gens en question sont habitués à utiliser le totalitarisme à leur avantage et, de fait, ces vingt-cinq dernières années, la Pologne se trouvait sous un genre de totalitarisme doux parce que le politiquement correct était de règle et ceux qui s’y refusaient devenaient des citoyens de seconde zone, exilés aux confins de la société. Ainsi ces gens habitués aux tendances totalitaires ne peuvent que débiter des platitudes sur la démocratie et sur le besoin pressant pour Varsovie d’avoir son propre Maïdan.

Konrad Stachnio est un journaliste indépendant basé en Pologne ; il a été l’animateur de nombreux programmes de radio et télévision pour la version polonaise de “Prison Planet” [site web alternatif d’Alex Jones – http://tv.infowars.com, NdT] une exclusivité du magazine en ligne “New Eastern Outlook“.

Source : New Eastern Outlook, le 26/01/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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