jeudi 11 février 2016

Sanders remporte la primaire démocrate du New Hampshire

Sanders remporte la primaire démocrate du New Hampshire

Le sénateur du Vermont Bernie Sanders, a remporté la primaire démocrate du New Hampshire de façon décisive mardi. Il a battu l'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton avec le plus grand nombre de voix et la plus grande marge jamais enregistrés dans cet Etat où se tient traditionnellement la première primaire de l'élection présidentielle américaine.

Sanders, qui se dit « socialiste démocratique », a battu Clinton par 60 pour cent des voix contre 39 pour cent, dépassant la plupart des sondages préélectoraux. Il a remporté une victoire écrasante grâce à des pourcentages énormes chez les jeunes électeurs (85 pour cent des moins de 30 ans) et chez les électeurs de la classe ouvrière (65 pour cent de ceux gagnant moins de 50.000 dollars par an et 67 pour cent des personnes sans éducation supérieure).

Clinton avait remporté, contre les prédictions, la primaire du New Hampshire sur Barack Obama en 2008 avec 112.404 voix contre 104.815. Sanders dépassait ces deux chiffres avec seulement 70 pour cent des bulletins comptés et devrait atteindre 140.000 voix. Un analyste électoral a noté que Sanders avait battu les résultats d'Obama partout dans l'Etat, mais plus particulièrement dans les villes ouvrières comme Berlin, que Clinton avait remporté en 2008, mais largement perdu en 2016.

La campagne de Clinton était déjà dans une crise profonde avant le vote de mardi; les sondages prédisaient des pertes importantes après la quasi-égalité surprise des caucus de l'Iowa, le 1er février. Cela s'est traduit par l'intervention de l'ancien président, Bill Clinton, qui a lancé une série d'attaques coléreuses et disjointes contre Sanders pendant le week-end.

La campagne Clinton a cherché à mobiliser les électrices en jouant sur le statut de Clinton comme première femme présidente potentielle des États-Unis. Elle a mis en avant plusieurs femmes partisanes éminentes de Clinton dont l'ancienne secrétaire d'État Madeleine Albright et Gloria Steinem, fondatrice de l'Organisation nationale des femmes, afin de jouer la carte de la politique du genre.

Cela a complètement échoué. Les électeurs femmes comme les hommes ont donné une large majorité à Sanders. Les seuls groupes démographiques où Clinton a prévalu étaient les électeurs de plus de 65 ans et ceux ayant des revenus de plus de 200.000 dollars par an.

La flambée de soutien à Sanders, comme l'a déjà expliqué le World Socialist Web Site, est une réaction politique différée à la crise financière de 2008 et à la récession économique qui a suivi, et qui continuent d'avoir un impact dévastateur sur les emplois et le niveau de vie de la classe ouvrière américaine.

Selon des sondages de sortie des urnes, les préoccupations majoritaires des électeurs des primaires démocrates étaient les inégalités économiques, l'emploi et les soins de santé ; et ces questions de classe prédominaient entièrement sur les questions de genre ou d'identité raciale que la campagne de Clinton a cherché à développer dans la dernière semaine.

Ces mêmes questions ont aussi joué un rôle clé dans la primaire républicaine, quoique sous forme populiste de droite, avec la victoire du milliardaire Donald Trump – 34 pour cent des voix, soit plus du double du deuxième candidat, le gouverneur de l'Ohio John Kasich.

Trois autres candidats – le Sénateur du Texas Ted Cruz, l'ancien gouverneur de Floride Jeb Bush et le Sénateur de Floride Marco Rubio – sont arrivés en troisième, quatrième et cinquième places avec 11 pour cent des voix; le gouverneur du New Jersey Chris Christie était à la traîne avec 8 pour cent et devrait mettre fin à sa campagne.

La campagne de Trump représente la mobilisation d'un élément criminel de l'élite américaine, basé sur le chauvinisme national, le militarisme et la glorification du régime autoritaire. Son personnage de voyou et ses attaques racistes des musulmans, des Mexicains et d'autres sont la manifestation visible d'un abrutissement grotesque de la politique, même d'après les normes avilies prévalant aux États-Unis. Les attaques de Trump sur les musulmans en particulier, ont suscité une réaction de caractère fasciste. Les sondages de sortie du New Hampshire ont constaté que 66 pour cent de ceux participant à la primaire républicaine soutenaient l'appel de Trump à une interdiction totale d'entrée des musulmans aux États-Unis.

La première étape de la campagne électorale démontre l'extrême polarisation de la vie sociale et politique aux Etats-Unis; de larges sections de la classe ouvrière et de la jeunesse évoluent vers la gauche, déstabilisant les partis politiques bourgeois et l'ensemble du système politique. L'élite dirigeante américaine cherche à contrôler et à perturber ce mouvement vers la gauche avec une démagogie populiste tant « de gauche » (Sanders) que de caractère ouvertement droitier.

Les commentateurs des médias ont été visiblement secoués par l'ampleur de la victoire de Sanders et le rejet de l'establishment politique des deux partis. Couvrant les résultats des primaires pour NBC, Chris Matthews a carrément déclaré Sanders nouveau favori à l'investiture démocrate. Andrea Mitchell (épouse de l'ancien président de la Réserve fédérale Alan Greenspan) a déclaré, émerveillée, que les électeurs « étaient en train de rejeter le capitalisme américain. »

Ce qui effraie les vedettes millionnaires des médias n'est pas la politique de Sanders, qui fait depuis longtemps partie des meubles de l'establishment parlementaire du Parti démocrate, malgré sa nominale indépendance, mais plutôt la radicalisation de la population américaine, en particulier la jeune génération, révélée dans le soutien croissant pour sa campagne. Un sondage du Boston Globe parmi les électeurs démocrates des primaires publié le 5 février a révélé que plus de la moitié des personnes de 17 à 34 ans s'étaient décrites comme « socialistes » et près d'un tiers tous âges confondus.

Dans cette crise politique qui se développe, la campagne Sanders est l'instrument politique le plus important de la classe dirigeante. Il est frappant de constater combien le sénateur du Vermont est conscient du rôle qu'il cherche à jouer pour protéger le Parti démocrate et le monopole politique du bipartisme. Cela s'est vu dans son discours de victoire mardi soir, différent de celui de la semaine précédente dans l'Iowa après son arrivée quasi ex æquo avec Clinton, sur deux points essentiels.

D'abord, il a insisté sur la nécessité d'unir le Parti démocrate, avertissant tacitement la campagne Clinton de ne pas aller trop loin dans ses attaques contre lui, et il a en même temps promis son soutien inconditionnel au gagnant du duel démocrate. La campagne devait demeurer « axée sur les enjeux, » a-t-il dit, une allusion claire aux attaques de Bill Clinton, car « nous aurons besoin de nous réunir dans quelques mois parce qu'il ne faut pas permettre aux républicains de droite, auxquels nous sommes opposés, de gagner la présidence. »

Deuxièmement, après avoir réitéré sa condamnation de la domination de l'économie et du système politique américains par Wall Street et sa proposition de taxes plus élevées sur les riches, il s'est tourné vers la politique étrangère et a promis de détruire l'État islamique (EI) et de « maintenir ce pays dans la sécurité. » Il a ainsi cherché à rassurer à la fois Wall Street, l'appareil militaire et les renseignements qu'une présidence Sanders défendrait les intérêts mondiaux de l'impérialisme américain.

Patrick Martin

Article paru d'abord en anglais, WSWS, le 10 février 2016




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