vendredi 22 novembre 2013

La réforme fiscale d' Ayrault sonne comme la convocation des Etats Généraux par Louis XVI en 1788

Lui aussi voulait "tout remettre à plat"




Pourquoi le gouvernement se lance-t-il dans une opération aussi complexe?


source : Jusqu'ici, tout va bien... | Le blog d'Eric Verhaeghe et de la démocratie liquide

Une raison probablement très prosaïque explique l’engouement subit du Premier Ministre pour un sujet qu’il a toujours cherché, jusqu’ici, à étouffer: l’Etat est financièrement aux abois, et le budget 2015 n’est pas imaginable sans un enfumage fiscal de premier ordre.

Reprenons au calme: le déficit public devrait terminer sa course, cette année, autour de 82 milliards. Soit 5 milliards de moins que l’an dernier, avec des recettes fiscales qui ont augmenté de près de 15 milliards. Sur trois euros nouveaux levés auprès des Français, un seul sert à réduire le déficit de l’Etat. On mesure le gaspillage.

En 2015, le gouvernement doit réduire le déficit de plus de 20 milliards pour atteindre les 3% de PIB, par rapport à la dépense 2013. Sans inflation, c’est dur… D’ailleurs, la commission européenne n’y croit pas. A juste titre. Quand on mesure la difficulté qu’a le gouvernement à réduire le déficit 2014 à 3,7% du PIB, on comprend que l’objectif de 2015 est intenable sans une nouvelle donne dans le jeu collectif.

Si Jean-Marc Ayrault se lance dans une réforme fiscale d’urgence, préalable au budget 2015, c’est bien parce qu’il sait qu’il n’a plus le choix. Sans une « remise à plat » permettant de donner l’illusion d’une justice, soit la France ne tiendra pas ses objectifs communautaires, parce qu’elle sera incapable de contenir son déficit et cela commencera à faire tâche. Soit elle tient le cap, et le coût social risque fort d’être fatal au régime: les troubles qui ont commencé à éclater durant cet automne risquent de prendre des proportions de moins en moins contrôlables.

Il faut donc redonner du sens à tout cela pour éviter la déroute.


Réforme fiscale ou hallali du régime? 


Le pari fait par Jean-Marc Ayrault est qu’il peut parvenir à redonner du sens avec un grand débat national, où il aura circonvenu les organisations syndicales autour d’une série de thèmes que je détaillerai jeudi prochain, dans mon billet social.  Je suis pour ma part convaincu que le Premier Ministre se trompe et que l’annonce de sa réforme fiscale sonne comme la convocation des Etats Généraux par Louis XVI durant l’hiver 1788.

Pourquoi?

Parce que le gouvernement va prendre de front les aspirations profondes de la Nation tout entière. Les Français aiment l’impôt pour des raisons politiques: il est le lien entre eux et le pouvoir. Parce qu’ils paient des impôts, ils veulent participer aux décisions. En revanche, ils veulent payer un impôt juste, simple, universel.

Que le gouvernement veuille un impôt juste je lui en fais le crédit, même si nous ne mettons pas le même sens sur ce mot. Qu’il le veuille simple, je prends acte de ses déclarations, mais je suis sceptique sur la véracité de ses intentions. Qu’il le veuille universel, certainement pas. Or, l’universalité, c’est la justice à laquelle les Français aspirent.

Concrètement, lorsque le gouvernement annoncera, au printemps 2014, qu’il supprime l’impôt sur le revenu pour le fondre dans une contribution sociale généralisée avec un taux bas pour les faibles revenus, et un ou des taux renforcé(s) pour les revenus mensuels par unité de consommation supérieurs à 1.300 euros (puisqu’il s’agit là du revenu médian), les forces vives du pays exprimeront leur ras-le-bol. Leur calcul sera en effet assez vite fait, et il apparaîtra que la mesure consistera à imposer à la source les revenus des salariés, et singulièrement des cadres, à des taux élevés, ce qui mécaniquement fera baisser le pouvoir d’achat dans des proportions inattendues.

Fera alors irruption, dans le débat public, une question jusqu’ici mise sous le boisseau: ceux qui paient le plus d’impôts en ont-ils pour leur argent avec une école qui fabrique de la sélection sociale et de l’échec scolaire, qui produit une culture déconnectée du monde réel, avec une police qui ne garantit pas l’ordre, et avec une médecine qui est de moins en moins remboursée?

La réponse sera incontestablement douloureuse. C’est ainsi que la Révolution de 1789 avait éclaté.

La réforme fiscale annonce-t-elle la fin du régime? | Jusqu'ici, tout va bien...

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