Certains disent que l'Allemagne demande le rapatriement de son or uniquement à cause de pressions politiques intérieures, et qu'aucun autre pays ne fera de même. Mais le co-directeur général de Pimco, [Mohammed] El Erian, déclare :
En premier lieu, cela pourrait traduire des pressions sur d'autres pays pour qu'ils rapatrient également une partie de leurs avoirs en or. Après tout, s'il peut stocker en toute sécurité son or chez lui - un grand si pour certains pays - aucun gouvernement ne souhaiterait être vu comme l'un des derniers à externaliser l'ensemble de cette activité auprès de banques centrales étrangères.
Voici ce que nous observions en novembre dernier :
La Roumanie a demandé pendant de nombreuses années à la Russie qu'elle lui restitue son or.

L'année dernière, le Venezuela a demandé à la Banque d'Angleterre la restitution de 90 tonnes d'or. *** Voici ce que Zero Hedge observe (citant Bloomberg) :
Le gouvernement de l'Equateur veut que les banques du pays rapatrient environ un tiers de leurs avoirs à l'étranger pour soutenir la croissance nationale, a dit le chef de l'agence fiscale de ce pays.

Carlos Carrasco, le directeur de l'agence fiscale connue sous l'acronyme SRI, a déclaré aujourd'hui que les sociétés de prêt équatoriennes pourraient rapatrier environ 1,7 milliard de dollars et quand même remplir leurs obligations vis-à-vis des clients internationaux. Carrasco s'exprimait lors d'une audition parlementaire à Quito sur une proposition du gouvernement d'augmenter les taxes sur les banques pour financer les aides financières aux pauvres de cette nation sud-américaine.

Quatre membres du parlement suisse veulent que la Suisse réclame la restitution de son or.

Certaines personnes aux Pays-Bas veulent aussi qu'ont leur rende leur or.
(Forbes observe que l'Iran et la Libye ont également rapatrié leur or récemment).

Le principal rédacteur économique du Telegraph, Ambrose Evans Pritchard, soutient que la demande allemande de rapatriement montre que nous sommes en train de passer de facto à un étalon or :
Les banques centrales dans le monde entier ont acheté plus de lingots (en volume) l'année dernière qu'à n'importe quel moment depuis près d'un demi-siècle. Elles ont accumulé 536 tonnes nettes supplémentaires en 2012 alors qu'elles diversifiaient leurs nouvelles réserves en évitant les quatre monnaies suspectes : le dollar, l'euro, la livre sterling et le yen.

L'Accord de Washington, en vertu duquel la Grande-Bretagne, l'Espagne, les Pays-Bas, l'Afrique du Sud, la Suisse, et d'autres pays ont vendu une partie de leur or chaque année, semble déjà relever d'une autre époque - qu'on pourrait appeler l'ère de Gordon Brown [l'ancien ministre des Finances puis Premier ministre britannique]. C'était la période illusoire où les investisseurs pensaient que l'euro prendrait sa place en tant que pilier jumeau d'un nouveau condominium G2 aux côtés du dollar. Cet espoir s'est évanoui. Les avoirs des banques centrales en euro bonds sont tombés à 26%, là où ils se trouvaient il y a près de 10 ans.

Ni l'euro ni le dollar ne peuvent inspirer une confiance totale, bien que pour des raisons différentes. L'UME [Union monétaire européenne] est une construction dysfonctionnelle couvrant deux économies incompatibles et encline à tanguer de crise en crise sans une trésorerie unifiée pour l'étayer. Le dollar est assis sur une pyramide de dette. Nous savons tous que cette dette se dégonflera au fil du temps - pour le meilleur ou pour le pire. Le seul véritable désagrément concerne la vitesse à laquelle cela se fera.

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Ma supposition est que tout nouvel étalon or sera sui generis [c.-à-d. dont la singularité empêche tout classement dans une catégorie déjà répertoriée et nécessite de créer des textes spécifiques], et ce serait mieux. Qu'on laisse l'or prendre sa place de troisième devise de réserve, une devise qui ne peut être dévaluée et qui oblige les autres [devises] à rendre des comptes, mais pas trop dominante pour atteler ensemble nos destins collectifs dans les hausses inflationnistes (oui, l'or fut très inflationniste après la Conquête musulmane de l'Hispanie) et les baisses déflationnistes des réserves minières mondiales.

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Une troisième devise de réserve est exactement ce dont a besoin l'Amérique. Ainsi que l'a soutenu le Pr Michael Pettis, de l'université de Pékin, détenir la devise de réserve mondiale est un « fardeau exorbitant » dont les Etats-Unis pourraient se passer.

Le dilemme de Triffin - avancé par l'économiste belge Robert Triffin dans les années 1960 - suggère que le détenteur de la devise suprême est confronté à une contradiction inhérente. Il doit gérer un déficit commercial structurel au cours du temps pour maintenir le système à flot, mais cela minera sa propre économie. Ce système s'autodétruit.

Un étalon or partiel - créé par le marché mondial et n'ayant de compte à rendre à personne - est le meilleur de tous les mondes. Il offre une provision de valeur (mais pas de rendement). Il joue un rôle d'équilibre. Il n'est pas assez dominant pour étouffer le système.

Ayons donc trois devises mondiales, un trépied avec une jambe dorée ! Ce trépied pourrait même être stable.
Combien d'or y a-t-il ?

Cela n'inspire pas confiance que le rédacteur en chef de CNBC, John Carney, soutienne que cela importe peu que les Etats-Unis aient ou non l'or physique qu'ils prétendent détenir.

En fait, nombreux sont ceux qui affirment que l'or est parti :
Ned Taylor-Leyland, de Cheviot Asset Management, dit que la Fed et la Banque d'Angleterre ne restitueront jamais l'or à leurs propriétaires étrangers. Jim Willie dit que l'or est parti.

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D'autres affirment que l'or n'a pas été exactement vendu, mais qu'il a été loué ou gagé, et donc que les Etats-Unis ne le possèdent pas vraiment.

Eric Sprott, gérant d'un fonds qui pèse 10 milliards de dollars, écrit - dans un article intitulé « Do Western Central Banks Have Any Gold Left??? » [Les banques centrales occidentales ont-elles encore de l'or ???] :

Si les banques centrales occidentales louent effectivement leurs réserves physiques, elles n'auraient pas réellement l'obligation de révéler les quantités spécifiques d'or qui restent dans leurs coffres respectifs. Selon un document sur le site de la BCE [Banque Centrale Européenne] concernant le traitement statistique des réserves internationales de l'eurosystème, les directives actuelles de reporting ne requièrent pas que les banques centrales fassent la différence entre l'or détenu directement et l'or prêté ou échangé avec une partie tierce. Ce document établit que « les transactions réversibles en or n'ont aucun effet sur le niveau d'or monétaire, quel que soit le type de transaction (c-à-d. les échanges, les placements, les dépôts et les prêts en or) , en ligne avec les recommandations contenues dans les directives du FMI ». (les caractères gras sont dans le texte original). Par conséquent, selon les directives actuelles de reporting, les banques centrales sont autorisées à continuer de porter sur leurs bilans les entrées d'or physique, même si elles l'ont échangé ou prêté entièrement. On peut le voir dans la manière dont les banques centrales occidentales se réfèrent à leurs réserves d'or.

En effet, il est a présent bien documenté que la Fed a loué une grande partie de ses réserves d'or et que les grandes banques empruntent de l'or aux banques centrales et ensuite le prête à de multiples parties tierces.

Comme tel, il ne serait pas totalement surprenant que la Fed ait besoin de 7 années pour rendre à l'Allemagne ses 300 tonnes d'or [...] même si la Fed prétend détenir 6.720 tonnes dans la seule Banque de Réserve de New York.

Même le co-directeur général de Pimco, Bill Gross, déclare :
Lorsque la Fed émet chaque mois pour 85 milliards de dollars de chèques afin d'acheter des bonds du Trésor et des crédits hypothécaires, elle n'a réellement rien en « banque » pour les garantir. Ils possèdent soi-disant quelques milliards de dollars de « certificats or », une histoire à dormir debout sur la provision secrète de Fort Knox, mais il n'y a essentiellement rien d'autre là que de la confiance. Lorsqu'un opérateur de première importance comme J.P. Morgan ou Bank of America vend ses bonds du Trésor à la Fed, il obtient un « crédit » sur son compte à la Fed, connu sous le nom de « réserves ». Il peut dépenser ces réserves en échange d'autre chose, mais alors une autre banque obtient un crédit pour ses réserves, etc., etc. La Fed a dit à ses banques membres « Faites-moi confiance, nous honoreront toujours nos réserves », et donc les banques lui font confiance, et les entreprises et les particuliers font confiance aux banques, et « the beat goes on » [et ça continue] comme le chantaient Sonny & Cheer. 54 trillions de dollars de crédit dans le système financier des Etats-Unis, basé sur la confiance envers une banque centrale qui n'a rien dans ses coffres pour les garantir. Etonnant !
Et étant donné que du tungstène plaqué-or a été déniché partout dans le monde, et qu'un expert allemand de premier plan sur l'or a trouvé de faux lingots d'or gravés avec les marques officielles des Etats-Unis, les Allemands ont perdu confiance dans la fiabilité de la Fed. Voyez ce qui suit.

Cela pourrait être particulièrement vrai depuis que la Fed a refusé aux Allemands d'inspecter leurs propres réserves d'or qui y sont stockées.

Guerre des devises ? 

Le rapatriement de l'or est - sans aucun doute - lié à la monnaie.

Voici ce qu'observe Forbes :
Des fonctionnaires de la Bundesbank [...] ont reconnu que cette manœuvre est « préventive » au cas où une « crise monétaire » frapperait l'Union Monétaire Européenne.

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« Non, nous n'avons aucune intention de vendre de l'or », a déclaré au téléphone, mercredi dernier, un porte-parole de la Bundesbank, « [ce transfert] est pour le cas où il y aurait une crise monétaire. »
Reggie Middleton pense que la demande de l'Allemagne de récupérer son or fait partie d'une guerre monétaire.

Jim Rickards a dit auparavant que la Fed projetait de mettre la main sur l'or allemand :
Jim Rickards a exposé les projets possibles de la Réserve Fédérale de réquisitionner l'or souverain de l'Allemagne et de tous les autres dépositaires étrangers, qui se trouve à la Réserve Fédérale de New York, dans l'éventualité d'une crise du dollar et monétaire conduisant à des « guerres monétaires » intensifiées, et « l'option nucléaire » d'une révision à la hausse radicale du prix de l'or et un retour à un quasi-étalon or est envisagé par les banques centrales assaillies pour empêcher la déflation de la dette.
Est-ce une raison pour que l'Allemagne réclame maintenant la restitution de son or ?

La Chine devient tranquillement une superpuissance de l'or, et on dit depuis longtemps que la Chine convertirait le yuan en devise adossé à l'or.

James Delingpole du Telegraph fait remarquer:
Au milieu des années 1920, le chef de la Banque centrale allemande, [Horace] Hjalmar Schacht, s'est rendu à New York pour voir de ses yeux l'or de l'Allemagne. Cependant, les responsables de la Fed de New York furent incapables de retrouver la palette de lingots d'or allemands. Le Président de la Réserve Fédérale d'alors, Benjamin Strong, fut mortifié, mais pour mettre Strong à l'aise, Herr Schacht se tourna vers lui et lui dit : « Ne vous inquiétez pas, je vous crois lorsque vous dites que l'or est ici. Même s'il n'y est pas, vous êtes d'accord pour le remplacer ». (H/T The Real Asset Company)

Mais cela se passait alors, et là, nous parlons d'aujourd'hui. Aux yeux des Allemands - et qui peut leur donner tort ? - l'Amérique a perdu son pouvoir magique à tel point qu'on ne peut plus lui faire confiance pour honorer ses dettes, même dans l'éventualité improbable qu'elle soit financièrement capable de le faire. C'est pourquoi, marchant dans les pas du vénézuélien Hugo Chavez (qui n'est pas si bête), l'Allemagne rapatrie son or de la Réserve Fédérale américaine. Il sera désormais stocké à Francfort.

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[Les choses] peuvent sembler calmes en surface, mais ce dernier coup de la part de la Bundesbank nous donne une assez bonne indication qu'en dessous de la surface cette institution apparemment sereine défend chèrement sa peau.

Si vous voulez une analyse complète, je recommande cet excellent résumé de Jan Skoyles. Voici la partie effrayante:
Plusieurs fois par an, il y a une discussion concernant ce que la Chine prévoit de faire avec l'or qu'elle extrait et qu'elle importe chaque année, et nombreux sont ceux qui croient que les Chinois amassent ce métal comme assurance contre les milliards de dollars en bons du Trésor, en billets et en créances qu'ils détiennent. Nombreux sont ceux qui croient qu'ils émettront à court-terme une sorte ou une autre de devise adossée à l'or et qu'ils se débarrasseront des 1.000 milliards de dollars qu'ils détiennent en titres du Trésor américain. A partir du moment où les Etats-Unis semblent considérer que leur monopole monétaire va de soi, si jamais les Chinois ou d'autres agissent ainsi, les Etats-Unis devront réagir - le plus probablement avec de l'or dont ils ne disposent pas en quantité suffisante.

Tous ceux qui pensent que cela ne va pas se produire devraient finalement lire la parabole de Peter Schiff « How An Economy Grows And Why It Crashes » [Comment croît une économie et pourquoi elle s'effondre]. Si quelque chose ne peut pas durer éternellement, elle ne durera pas.
Autrement dit, Rickards et Skoyles semblent soutenir que l'Allemagne pourrait rapatrier son or dans ce premier jeu de chaises musicales dans lequel la Chine se prépare à déployer un yuan adossé à l'or. Selon cette théorie, le reste des devises mondiales s'effondreront à moins que leurs nations puissent lutter pour mettre la main sur suffisamment d'or afin de conférer de la crédibilité à leur papier-monnaie.

Post-scriptum : Michael Rivero pense que la guerre au Mali a quelque chose à voir avec cela :
Le Mali est l'un des plus gros producteurs d'or du monde. Avec le Ghana, son voisin, ils comptent pour 7 à 8% de la production d'or mondiale. Cela en fait une riche prise de guerre pour les pays qui ont désespérément besoin d'or physique. Donc, même si l'Allemagne a commencé à réclamer la restitution de son or à la Banque de France et à la Réserve Fédérale de New York, la France (aidée par les Etats-Unis) a décidé d'envahir le Mali pour combattre les « Islamistes » travaillant pour « al-Qaïda ». Bien sûr, les « Islamistes » sont devenus l'étiquette fourre-tout pour les gens qui doivent être tués afin de les ôter du chemin vers les richesses, et les gens qui sont bombardés par la France (aidée par les Etats-Unis) ne sont pas « al-Qaïda » mais des Touaregs qui ont combattu pour leur indépendance pendant 150 ans, bien avant que la CIA ait créé « al-Qaïda ». Livrés à eux-mêmes, les Touaregs pourraient vendre l'or à qui ils voudraient au prix qu'ils demanderaient, et à ce moment précis la Chine peut surenchérir sur la France et les Etats-Unis.

 Le National Émancipé