mardi 21 août 2012

Le Hollandais fantôme inversement proportionnel au candidat Hollande



Ich bin ein Holländer !
 Richard Wagner, immense musicien malgré son germanisme exacerbé et son antisémitisme caractérisé, composa, en 1843, le premier de ses dix opéras majeurs : « Der Fliegende Holländer », dont la traduction française serait, littéralement, « Le Hollandais volant », mais que la postérité artistique de notre culture francophone a cependant préféré intituler - Dieu sait pourquoi ? - « Le Vaisseau fantôme ».

 Qu’à cela ne tienne, la tradition wagnérienne française ne nous en tiendra pas trop rigueur si, pour qualifier l’actuel Président de la République, nous recourrons ici à une belle et inédite synthèse entre ces deux titres : « Le Hollandais fantôme » !

UN SILENCE ASSOURDISSANT

 Car, après un peu plus de cent jours de son élection à la tête du pays, c’est peu dire que François Hollande s’avère plus que jamais, malgré une actualité brûlante et même dramatique aux quatre coins du monde, aux abonnés absents : un silence assourdissant, inversement proportionnel à ses brillantes diatribes lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle.

 Pensez : rien sur la Syrie, pourtant à feu et à sang, hormis une déclaration aussi tapageuse que velléitaire de Laurent Fabius, son Ministre des Affaires Etrangères.

 Rien sur le conflit latent, et qui menace d’embraser la planète entière en cas de guerre, entre Israël et l’Iran, sinon une grande partie du monde arabo-musulman.

 Rien sur Julian Assange, contraint de se réfugier dans l’Ambassade d’Equateur à Londres et de demander l’asile politique à Quito, afin d’échapper à une justice américaine prête à lui réserver la chaise électrique, ou à tout le moins la prison à vie, pour ce seul fait qu’il ait osé divulguer les prétendus « secrets d’Etat » de Washington : les turpitudes et autres crimes de guerre, en fait, de cette nation gouvernée aujourd’hui par Barack Obama, dont on se demande encore, par ailleurs, comment ce « commandant en chef » de la plus puissante et belliqueuse des armées a pu recevoir le prix Nobel de la paix, sans avoir jamais rien fait, en outre, de véritablement concret, hormis quelques beaux discours théoriques, pour le mériter.

 Rien sur les Pussy Riot, trois punkettes envoyées pendant deux ans au goulag pour s’être risquées à entonner un hymne endiablé, en plein cœur de l’une des principales cathédrales de Moscou, demandant à la Vierge Marie de chasser Vladimir Poutine, dictateur néostalinien, du trône du Kremlin : un crime de lèse-majesté, de toute évidence, au pays de ce socialo-communiste reconverti, via un passage par les plus hautes sphères du KGB, en tsar des temps modernes.

LA VACANCE DU POUVOIR

Non : cela ne choque apparemment pas outre mesure Hollande de voir Poutine expédier ainsi au bagne, suite à un procès non moins expéditif, trois jeunes femmes un peu déjantées, mais somme toute bien inoffensives en comparaison de la criminalité ambiante en Russie, tandis qu’il protège et justifie, malgré l’ampleur des tueries quotidiennes partout en Syrie, son ami Assad, véritable et ignoble assassin quant à lui.


 A croire que, pour le Président de la République Française, ce pays que les intellectuels voltairiens de mon espèce prenaient encore pour la patrie des Droits de l’Homme, rien ne s’est passé, en cet été 2012, sur le plan international, comme si les affaires du monde étaient elles aussi, tout comme lui, en vacances : la vacance du pouvoir, en réalité.

LA VALLS DES ROMS

 Pis, on ne l’a même pas entendu, non plus, sur le plan national : pas un mot, en effet, au sujet de son très zélé Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, lorsque, ayant manifestement pris exemple sur celui-là même (un certain Nicolas Sarkozy) qu’il pourfendait pourtant avant de se retrouver lui-même place Beauvau, il ordonne l’expulsion, « manu militari » et sans le moindre état d’âme, de centaines de Roms de leurs camps… y compris jusqu’à ceux, relativement hospitaliers et bien équipés, de Lille, pourtant fief aussi incontestable qu’incontesté de cette autre grande dame du socialisme à la française qu’est Martine Aubry.

C’est la Valls, en deux temps trois mouvements, des Roms !

Davantage : « Laisse aller… c’est une valse », dirait probablement en la circonstance, paraphrasant là le titre d’un célèbre film de Georges Lautner (avec un scénario et de très croustillants dialogues de l’inénarrable Bertrand Blier), François Hollande, aux confins, ici, d’une imperturbable et quasi insolente indifférence.

D’ailleurs, le très sérieux Manuel Valls vient de le pérorer très franchement : il pense pouvoir « faire mieux que la droite » en matière de sécurité. On ne le lui fait pas dire ! Reste à savoir, tout de même, si ce genre de déclaration, plutôt maladroite (j’aurais peut-être pu écrire, facétieux et impertinent, « mal à droite »), s’avère, en l’occurrence, plus « droite », par sa fermeté, que « gauche », par sa méthode : entre les deux, son cœur balance…

UN PRESIDENT NORMAL POUR UNE INACTION ANORMALE

 Conclusion ? Trêve estivale oblige pour le Président, qu’une indiscrète et toute récente photo nous a néanmoins montré, sur la plage de son actuelle résidence au fort de Brégançon, barbotant dans l’eau avec sa compagne et élégamment revêtu, pour l’occasion, d’un joli short bleu : un peu « short » (« court » dans la langue de Molière), cependant, pour celui que le bon peuple français a élu, en mai dernier déjà, à la tête de la cinquième puissance, paraît-il, mondiale !

 C’est dire si ce Hollande-là, heureux et insouciant sur la plage ensommeillée plus encore qu’ensoleillée, mérite amplement ce nouveau et joyeux sobriquet que, dans le sillage du génie musical de Wagner donc, nous lui attribuerons désormais légitimement : « le Hollandais fantôme de l’Elysée ».

 Certes, comme le dit l’adage populaire, le silence est d’or… sauf lorsque le Président dort, serais-je tenté de répliquer, et se dore tranquillement la pilule au soleil pendant que la terre chauffe, et pas seulement à cause de la canicule !

 Car ce président a beau se vouloir « normal », par rapport à la folle agitation de son illustre prédécesseur, cette incompréhensible et persistante inaction, au regard de questions aussi essentielles et d’enjeux aussi fondamentaux pour la société contemporaine comme pour le monde à venir, n’en demeure pas moins, elle, anormale.

 Elle a même la très inquiétante allure d’une étrange, sinon inconcevable, mollesse, pour le moins décevante pour tous ceux qui auront voté pour lui après avoir cru, trop naïvement, à des promesses que nous n’oserons encore qualifier pour le moment - soyons bons princes : laissons-lui là le bénéfice du doute - de « démagogiques ».

LA COMEDIE DU POUVOIR

 Serait-ce donc là la désespérante mais réaliste rançon de la gloire ou, mieux, du succès politique, cet autre nom, plus distingué mais aussi plus hypocrite, de la comédie du pouvoir ? 

DANIEL SALVATORE SCHIFFER*

*Philosophe, auteur de « Critique de la déraison pure - La faillite intellectuelle des ‘nouveaux philosophes’ et de leurs épigones » (François Bourin Editeur) et « Oscar Wilde » (Gallimard - Folio Biographies).

Le silence du président de la République : le Hollandais fantôme de l'Elysée - AgoraVox le média citoyen

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