mardi 7 août 2012

François Hollande reçoit le dictateur de Bahreïn qui étouffe une révolution dans le sang

  François Hollande encore trahi par une journaliste tweeteuse de l' Elysée



Décidément, le site www.elysee.fr, qui nous envoie aimablement depuis quelques années sa lettre hebdomadaire 1 ne nous paraît guère plus fiable sous « la présidence normale » qu'au temps de « l'hyperprésidence » de Nicolas Sarkozy. Sous ce dernier, au début 2011 (effet peut-être d'un « Printemps arabe » en plein développement ?), on a ainsi vu disparaître du site tout un ensemble de photographies et de communiqués concernant les visites officielles à l'Elysée de quelques chefs d'Etat: par exemple, celle, fin 2007, du Guide Mouammar Kadhafi -pourtant un grand moment d'histoire encore présent dans toutes les mémoires -et pas uniquement celle du service du protocole; et celles du président Bachar el-Assad en juillet 2008, puis en novembre 2009, et encore en décembre 2010. Or, le 23 juillet 2012, il nous faut un tweet avec une « photo (presque) volée » d'une journaliste de l'AFP à l'Elysée, relayé par lefigaro.fr, (mais pendant plusieurs jours par aucun autre organe de presse français important), pour apprendre que le président de la République François Hollande a reçu dans la matinée le roi du Bahreïn Hamad ben Issa Al-Khalifa. Heureusement, le site de la Bahrain News Agency (BNA) est plus prolixe, en textes et en photos, que celui de l'Elysée. Retour sur cet épisode, sous divers angles de lecture... 

> NB: Le Point, sous la plume d'Armin Arefi, a répercuté notre analyse ce 6/8/2012:http://www.lepoint.fr/monde/france-bahrein-quand-francois-hollande-recoit-un-dictateur-06-08-2012-1493370_24.php 


                                 1/ Le circuit de la non-information côté français

C'est donc un tweet de Nadege Puljak, journaliste politique de l'AFP accréditée à l'Elysée, qui donne l'alerte le 23 juillet à 11h du matin, avec une photographie du perron de l'Elysée sur laquelle on  reconnaît le président de la République, mais pas son visiteur, lequel prend visiblement congé de son hôte.

  Crédit tweet et photo: Nadège Puljak, AFP

L'information est relayée en début d'après-midi par une brève sur le site du Figaro 2. Et puis... rien. Rien dans les grands médias. L'information n'est guère reprise que par quelques blogs intéressés à sa diffusion. On y  relèvera donc pour l'essentiel des commentaires hostiles au président de la République et au parti socialiste: en substance, « le président normal » n'a pas le courage d'assumer ses choix; et, en recevant un dirigeant arabe contesté, il fait exactement ce qu'il reprochait encore il y peu à son prédécesseur. Ces blogs sont ceux qui, depuis plus d'un an, opposent le silence et l'inaction (indéniables) des Occidentaux sur la répression du mouvement démocratique au Bahreïn (le « Printemps de Manama », 14 février-15 mars 2011), à l'activisme discursif, et à l'interventionnisme (tout aussi indéniables, mais à géométrie variable) des mêmes Occidentaux sur (et contre) la Libye de Kadhafi tout d'abord, puis la Syrie de Bachar el-Assad. Lesquels blogs, à forte tonalité complotiste, se situent idéologiquement à l'extrême-gauche et à l'extrême-droite, mais partagent quelques arguments communs. L'expédition irakienne en 2003, la répression au Bahreïn au printemps 2011, l'expédition libyenne en 2011, "l'agression terroriste" en Syrie depuis 18 mois, en attendant les frappes annoncées contre l'Iran: cette succession d'épisodes ressort de la même volonté de Washington de reconfigurer le Moyen-Orient à sa main. Et donc, ab initio et in fine, tout s'explique par l'inusable « complot américain », et plutôt même, en général, et pour faire bonne mesure, par un « complot américano-sioniste » en partie sous-traité sur le terrain au Qatar et à l'Arabie saoudite. Côté grands médias, il faut attendre le 1er août pour que Le Monde y consacre un article, sous la signature de Benjamin Barthe, titré: « Un projet de coopération entre Manama et Paris indigne l'opposition bahreïnie » - on remarquera cependant que ce titre ne fait pas mention de la rencontre à l'Elysée 3.

Consultons donc (les 28 et 31 juillet) l'agenda officiel hebdomadaire du chef de l'Etat pour le 23 juillet 4:




Aucune mention de la visite du roi Hamad. Dans la rubrique « Photo-Vidéos » du site de l'Elysée pour ce lundi 23: quelques belles images du président recevant l'équipage de l'Hydroptère 5, mais du visiteur du matin: aucune image. Rubrique: « Déclarations-Communiqués de presse »: rien. Contrairement, d'ailleurs, à ce qu'affirme, le lendemain, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, à l'issue d'une rencontre entre le ministre, Laurent Fabius, et son homologue bahreïni, le cheikh (et cousin du roi) Khaled ben Ahmed Al-Khalifa, sanctionnée par une photographie des plus ordinaires 6Il n'y a, de même, aucune "Déclaration officielle" sur la visite sur le site du ministère, mais quelques phrases du porte-parole, dans le style habituel de la langue de bois diplomatique et de ses formules stéréotypées ("évoquer la situation (...) approfondir les relations bilatérales (...), évoquer les questions régionales", etc.). Créditons cependant le Quai de son "[encouragement aux autorités bahreïnies] à poursuivre leurs efforts pour permettre un apaisement durable des tensions que connaît le royaume":  la tonalité est bien sûr diplomatique, mais les choses ont été dites et écrites.







Lire la suite : 2/ L'information côté bahreïni: que nous dit la BNA ?


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