lundi 23 juillet 2012

Paul Krugman : "le programme d’austérité du gouvernement Espagnol n’a aucun sens


“LE PROGRAMME D'AUSTÉRITÉ ESPAGNOL N'A AUCUN SENS”



Paul Krugman, prix Nobel d'économie, analyse la crise qui secoue l'Espagne et fait trembler l'Europe




Vous étiez la semaine dernière à Madrid, épicentre actuel de la crise financière européenne. Quel est votre diagnostic ?
Paul Krugman. Je suis inquiet. L’économie ne s’améliore pas. Et le nouveau programme d’austérité que vient d’annoncer le gouvernement Rajoy n’a aucun sens.


Le gouvernement espagnol n’a donc rien compris à la crise ?
Sur la dette, sa politique n’aura aucun impact significatif. En revanche, elle va provoquer une augmentation du taux de chômage, qui en est déjà à 25 %, et un gel voire une baisse des salaires. Donc, le programme Rajoy, c’est du sang et des larmes pour rien, ou pour pas grand-chose.


L’Espagne, c’est une nouvelle Grèce ?
La Grèce a été irresponsable sur le plan fiscal, alors que, jusqu’à une date récente, l’Espagne affichait un excédent budgétaire. Certes, il reposait sur du sable. Mais il n’y a pas eu d’abus comme en Grèce. Les maux espagnols viennent de la spéculation immobilière. La bulle a éclaté. Les banques sont fragiles. Elles ont besoin d’être aidées. Je ne vois rien venir. Il n’y a aucun rebond économique en perspective. Et aujourd’hui je m’inquiète pour la stabilité politique du pays.


Si vous étiez Premier ministre espagnol, que feriez-vous ?
Je ferais alliance avec le président du Conseil italien, Mario Monti, et j’irais voir les Allemands pour leur dire : “L’euro va mourir si on ne change pas de politique économique au niveau communautaire.” J’ai caressé en vain l’espoir que Rajoy le fasse. Car son problème numéro un, c’est la compétitivité. L’Espagne doit relancer ses exportations. Bien sûr, elle peut le faire en sortant de l’euro. C’est l’arme nucléaire. Personne ne veut appuyer sur le bouton. Donc, il faut dire aux Allemands : “Je reste dans l’euro mais, si on ne change pas le cap, mon gouvernement y laissera sa peau, et vous n’aimerez pas celui qui me succédera…”


Et c’est l’inverse qui se produit…
Oui, l’Europe impose des sacrifices aux Espagnols sans que personne soit capable d’en chiffrer précisément les bénéfices. Et Madrid dit oui…


Vous avez récemment signé un éditorial dans le “New York Times” titré “La grande illusion européenne”. De quelle illusion parlez-vous ?
L’éclatement de l’euro serait une catastrophe. Mais certains pensent que, pour cette raison, on met tout en œuvre pour l’éviter. C’est cela, la grande illusion.


Et la France, dans quel état est-elle ?
Les déficits budgétaires seront plus importants que prévu, mais ce n’est pas grave. Actuellement, les marchés ne voient pas la France comme un pays à risque. Les taux d’intérêt français à court terme sont bas. Ils sont 100 points de base au-dessus de ceux de l’Allemagne, ce qui n’est pas bon mais constitue un gros progrès par rapport au passé. Les taux d’intérêt sont même négatifs, ce qui me semble excessif, mais prouve que la France n’est pas sous pression financière. Il n’y a donc aucune raison de mener une politique d’austérité. Et l’élection de François Hollande n’a pas entraîné la panique sur les marchés que certains prédisaient. Le différentiel entre les obligations françaises et allemandes n’a pas bougé.


François Hollande doit vous adorer… 
Je donne à l’université un cours consacré à l’économie des Etats providence. J’utilise toujours la France comme l’exemple qui montre qu’en économie on peut faire des choix différents. La France et les Etats-Unis ont de nombreux points communs, notamment au niveau de la productivité élevée. Mais la France accorde de longues vacances et des départs à la retraite très avancés. D’où un PIB par tête inférieur de 25 % à celui de l’Amérique. Mais l’économie française fonctionne très correctement, quoi qu’en disent les conservateurs de tout poil.


Que conseillez-vous à François Hollande ? 
Il n’a pas beaucoup de marge de manœuvre. Il ne peut pas relancer l’économie par la dépense publique, comme je le recommande pour la Grande-Bretagne et les Etats-Unis [qui ont le contrôle de leur monnaie]. La seule chose qu’il puisse faire, c’est modifier l’équilibre des pouvoirs en Europe. La France doit être du côté des pays qui souffrent. Il faut ressusciter l’empire romain Italie-France-Espagne. L’euro ne sera sauvé qu’au niveau européen.






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