mardi 10 avril 2012

L'Espagne : hier exemple à suivre aujourd'hui cancre à réformer

N'en déplaise aux euro optimistes naïfs , la crise espagnole vient de montrer le bout de son taux obligataire .
Alors que l'ensemble des médias officiels entonnent en coeur que la crise de la zone euro est derrière nous, les "huiles" de  l'euroland sont en train de déchanter.




En effet, à peine a-t-on terminé de poser un gros sparadrap sur la plaie grecque (qui est d'ailleurs toujours très loin d'être cicatrisée) que l'Espagne ravive les braises de la crise de la dette publique. Nos voisins ibères n'ont pourtant pas démérité. Ils ont notamment décidé d'engager un plan de rigueur exceptionnel, censé remettre les comptes publics sur la bonne voie. Parallèlement, il faut souligner que ces derniers sont loin d'être catastrophiques. Ainsi, en 2012, les dépenses publiques ne représentent que 43 % du PIB et la dette publique n'est « que » de 70 % du PIB. A titre de comparaison, ces mêmes ratios sont respectivement de 49 % et 89 % pour l'ensemble de la zone euro. Que dire alors des résultats français, en l'occurrence 56 % et 90 %. 


En d'autres termes et en dépit des apparences, les comptes publics français sont bien plus dramatiques que leurs homologues espagnols. Seulement voilà, la France peut encore s'appuyer sur d'importantes recettes fiscales, notamment liées aux performances de ses entreprises et à une richesse patrimoniale conséquente. Ces deux « vaches à lait » permettent donc à l'Etat de ponctionner encore et encore, du moins jusqu'à épuisement, ce qui risque de se produire dans quelques trimestres. 


En attendant, le focus se porte sur l'Espagne, pas tant à cause de ses comptes publics actuels, mais surtout parce que la dégradation de ces derniers a été extrêmement rapide. Il faut effectivement rappeler qu'il y a moins de cinq ans, l'Espagne était encensée par la Commission Européenne et par les agences de notation. Celles-ci se félicitaient notamment d'une dette publique de seulement 36,1 % du PIB en 2007 et d'un excédent public de 2005 à 2007. La descente aux enfers est donc particulièrement abrupte et rappelle combien il est important de ne pas trop se fier aux commissaires européens et aux auditeurs privés. Ceux-ci ont oublié l'essentiel, en l'occurrence la capacité de l'Espagne à générer une croissance durablement forte. 


En effet, le dynamisme économique des années 1990-2000 reposait presque exclusivement sur quatre piliers : le rattrapage du retard accumulé dans les années 1960-1980, les subventions européennes, le tourisme et la bulle immobilière. Autant de facteurs qui sont par définition temporaires et/ou fragiles. Ainsi, le retard économique a fini par être en partie comblé. De même, lors de l'élargissement de l'Union Européenne, les subventions vers l'Espagne ont été réduites à la portion congrue au profit des nouveaux entrants. En outre, la vigueur excessive de l'euro et la multiplication de nouvelles destinations touristiques moins chères ont freiné le moteur du tourisme. Enfin, dans la mesure où les arbres ne montent pas au ciel, l'augmentation des taux d'intérêt dans les années 2007-2008 a mécaniquement engendré l'explosion de la bulle immobilière, qui prendra des années à être digérée. 


Pour ne rien arranger, la crise grecque a automatiquement pesé sur les taux obligataires espagnols, qui sont donc restés très élevés, cassant encore un peu plus le peu de croissance qui restait au-delà des Pyrénées. Après une baisse de 3,7 % en 2009, puis une toute petite reprise en 2010, le PIB a donc repris le chemin de la baisse dès 2011. Son niveau actuel est ainsi en repli de 4 % par rapport au début 2008. Conséquence logique de cette récession aggravée, le taux de chômage n'a cessé de flamber. Il atteint désormais presque 24 % et 50 % pour les moins de 25 ans. Dans ces conditions, le ras-le-bol de la population espagnole apparaît, sinon justifié, du moins compréhensible. 


Pis, plutôt que de redonner espoir à ses administrés, le gouvernement ibère a choisi une voie à sens unique : celle de l'augmentation des impôts et de la baisse des dépenses sociales. Que ce soit en Grèce, au Portugal ou encore en Italie, il serait grand temps que les dirigeants politiques eurolandais comprennent qu'il ne sert à rien de mourir guéri. La seule issue à la crise de la dette publique réside donc bien dans la restauration de la croissance, qui doit certes passer par une baisse des dépenses publiques de fonctionnement, mais aussi et surtout par une réduction de la pression fiscale. Elle sera également obtenue grâce à un euro « normal » (autour des 1,15 dollar pour un euro) et à une BCE qui achète de la dette publique en direct, de manière à permettre aux banques de financer l'économie privée plutôt que « d'accumuler » des bons du Trésor. Cette croissance durablement soutenue doit aussi passer par une relance fédérale à l'échelle de la zone euro, principalement en matière d'investissement et d'innovation. 


C'est d'ailleurs bien là que réside la véritable erreur de l'Espagne, celle de ne pas avoir su utiliser sa croissance gonflée à l'EPO des années 1990-2000 pour accroître ses efforts de Recherche-Développement et multiplier ses investissements innovants. L'analogie avec certains sportifs espagnols est évidemment facile, mais une fois que le dopage est découvert, on tombe forcément de son piédestal… En s'endormant sur ses lauriers touristiques et immobiliers, l'Espagne a simplement oublié que l'avenir appartient à ceux qui innovent. Si les dirigeants espagnols avaient profité de la croissance forte des années fastes pour réduire les dépenses publiques inefficaces et pour moderniser leur économie, notamment en favorisant l'investissement productif des entreprises, leur pays n'en serait pas là aujourd'hui. 


Pour se réconforter, nos amis ibères pourront toujours se dire qu'ils ne sont pas les seuls à avoir fait ces erreurs. Mais cela ne changera rien à la situation actuelle. Pis, l'Espagne pourrait bien être le verre d'eau qui fera déborder le vase. Pour l'instant, la crise grecque n'y est pas parvenue, mais au bout de trois années d'âpres négociations et aussi parce que la Grèce ne représente que 2,6 % du PIB de la zone euro (en standard de pouvoir d'achat). Dans la mesure où le poids de l'Espagne dans ce dernier avoisine les 12,9 % et où le chômage y est déjà stratosphérique, un enlisement de la crise espagnole deviendra assurément catastrophique. 


source : cfo-news.com